Loup-garous: Montérégie, Bas-St-Laurent, Chaudière-Appalaches

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Dans cet article, on rencontre des loup-garous dans trois régions différentes: la Montérégie, le Bas-Saint-Laurent et Chaudière-Appalaches. 

Commençons par la région la plus proche de chez moi, la Montérégie. Ici, nous avons une des histoires où le loup-garou prend une forme des plus étrange: un manchon de fourrure. Un homme est en carriole et aperçoit un manchon de fourrure sur la route. Il le ramasse et remonte dans son attelage, mais le cheval refuse d’avancer. Il reste sur place et semble énervé. L’homme décide donc de jeter le manchon par-dessus bord et alors son cheval reprend doucement son chemin. L’homme est persuadé qu’il s’agissait d’un loup-garou, mais il eut peur de le libérer.

On nous raconte aussi l’histoire de M. et Mme. Jean-Baptiste Séguin qui s’en revenaient chez eux après une soirée. À un moment, une ombre se dresse devant leur attelage. M. Séguin fouette son cheval et Mme. Séguin se met à prier la Sainte-Vierge. L’ombre se met à courir après eux et finit par les rattraper. Il dit simplement “vous n’avez pas pu m’écarter (me perdre), hein!” puis disparaît dans la nuit. C’est à ce moment que M. et Mme. Séguin réalisent qu’un loup-garou s’est moqué d’eux. 

Une dernière histoire provenant de la Montérégie est un peu plus connue, car elle fut écrite par Honoré-Beaugrand et accompagne généralement sa fameuse Chasse-Galerie. Je prends tout de même le temps de vous la résumer ici, car on y trouve de nombreux détails intéressants. D’abord, on apprend qu’un loup-garou à “la couenne (peau) comme une peau de loup revirée à l’envers, avec le poil en dedans”. S’ensuit l’histoire comme telle. Un soir de Toussaint, des marins ont vu de leur bateau un grand feu autour duquel dansaient une vingtaine de loup-garous à tête et queue de loup. Ces derniers étaient en train de découper le corps d’un homme. Les marins décident alors de tenter de les délivrer. Pour ce faire, ils doivent bourrer  leurs fusils avec un rameau bénit, un trèfle à quatre feuilles et des balles  trempées dans de l’eau bénite. Malheureusement, le jeune homme qui est parti chercher les balles renverse l’eau bénite et ne trouve pas le trèfle à quatre feuilles si bien que ça ne fonctionne pas. En deuxième option, on utilise un chapelet en guise de balles, ce qui amène les loup-garous à se disperser. Malheureusement, le chapelet n’avait pas encore été béni alors il est peu probable que les loups-garous aient été délivrés. 

Dans la région de Kamouraska (Bas-Saint-Laurent), on peut suivre dans le journal les voyages d’un loup-garou qui prend la forme d’un mendiant. On sait qu’il promet aux gens qu’ils obtiendront tout ce qu’ils désirent, mais on ne nous dit pas en échange de quoi. On lance à ses trousses “divers animaux que l’on avoir armés et déchaînés contre ce monstre”. Un de ces animaux l’aurait attrapé et l’aurait envoyé se tapir dans sa tanière. On pensait bien être débarrassé de lui, mais il réapparu “plus furieux que jamais et fait un carnage terrible partout où il passe”. Encore là, pas de précision sur le type de carnage dont il s’agit. Et c’est les derniers articles qui nous sont parvenus par rapport à ce loup-garou.

Marius Barbeau collecta aussi quelques anecdotes provenant de la même région. On apprends que seul les loup-garous volent lors des chasses-galeries pour aller se faire délivrer chez eux. Ceci est en contradiction avec la plupart des histoires de chasse-galerie que l’on a recensé, ce qui démontre bien les régionalismes qui peuvent émerger. Il semblerait qu’en 1870, il y avait tellement de loup-garous dans la région de Kamouraska qu’on ne savait même pas d’où ils sortaient. Il paraitrait qu’il en venait même de l’autre côté du fleuve. Un homme c’était fait “dévirer” (sens exact inconnu, mais ça ne devait pas être bon) ses vaches par un loup-garou. Il décide donc de libérer ce loup-garou. Il plante alors une faulx crochie dans un poteau de clôture. Le lendemain, il trouva une tête “ben connue dans la paroisse” à côté du piquet. 

Une dernière histoire pour cet article se passe à L’Islet (Chaudière-Appalaches). Un soir, Marcello faisait les sucres (faire le sirop d’érable) seul dans une cabane. La porte s’ouvre alors d’un grand coup et quelque chose se rue sur Marcello. Au début, il croit qu’il s’agit d’un ours, mais cet objet n’a ni tête ni patte, il s’agit en fait d’un tapon (amas) de laine. Il a tout juste le temps de sortir son couteau de poche que les coups se mettent à pleuvoir.  Marcello saigne du nez et du front, le sang coule dans ses yeux, il comprend qu’il a affaire à un loup-garou. Il se dit que sa seule chance c’est de libérer le loup-garou. Alors que ce dernier fonce à nouveau sur Marcello, il donne un coup de toutes ses forces avec son couteau. Il voit alors le sang rougir le tapon de laine et presque aussitôt le tapon se transforme en un homme qu’il connaît bien. L’homme remercie Marcello de l’avoir délivré, mais le menace de revenir finir ce qu’il a commencé si Marcello le “déclare” (le dénonce). À la messe, Marcello revoit la personne qui explique la blessure qu’il a au visage en disant qu’il s’est battu dans les chantiers.

On voit ici que les loup-garous, bien qu’ils puissent être joueurs et même parfois inoffensifs,  sont capables de faire beaucoup de mal et d’être très violents. La majorité des histoire ici relatées en font état: carnage, découpe de corps, “dévirer” des vaches, attaquer un homme. Il est bien normal que les gens craignaient ces créatures, surtout qu’il s’agissait rarement de purs inconnus, mais bien de gens de leur communauté. On avait généralement nos suspicions sur qui étaient des loup-garous, car on savait qui suivait bien la religion et qui ne la suivait pas. On peut aussi voir que des gens vivant en marge de la société (mendiants) pouvaient également être la cible des rumeurs. 

Les loup-garous étaient bien présents dans les trois régions nommées: Montérégie, Bas-Saint-Laurent et Chaudière-Appalaches, ainsi que la Beauce comme nous l’avons vu précédemment. Les histoires de loup-garous se retrouvent au travers de tout le Canada français et on en retrouve chez la diaspora également. Dans les prochains mois, nous continuerons notre exploration de ce phénomène. 


In this article, we will discover loup-garous in three different regions: Montérégie, Bas-Saint-Laurent and Chaudière-Appalaches.

Let’s start with the region closest to my home, Montérégie. Here, we have one of the stories where the loup-garou takes on the strangest form: a furry muff (handwarmer). A man in a horse-drawn carriage spots a furry muff on the road. He picks it up and climbs back into his carriage, but the horse refuses to move. It stays put and seems annoyed. So the man throws the muff overboard, and the horse slowly goes on its way. The man was convinced it was a loup-garou, but he was too afraid to “deliver” (free it from the curse) it.

We are also told the story of Mr. and Mrs. Jean-Baptiste Séguin, who were returning home after an evening out. At one point, a shadow appeared in front of their carriage. Mr. Séguin whipped his horse and Mrs. Séguin began praying to the Blessed Virgin. The shadow ran after them, eventually catching up. It simply said to them, « You couldn’t lose me, could you? » and disappears into the night. That’s when Mr. and Mrs. Séguin realize that a loup-garou has been taunting them.

A final story from the Montérégie region is a little better known, as it was written by Honoré-Beaugrand and generally accompanies his famous Chasse-galerie. I’m taking the time to summarize it for you here, as it contains many interesting details. First, we learn that a loup-garou has « the rind (hide) like a wolf’s skin turned inside out, with the fur on the inside ». The story itself follows: One Toussaint (All Saints’ Eve), some sailors saw from their boat a large fire around which were dancing some twenty loup-garous with wolf heads and tails. They were in the process of cutting up a man’s body. The sailors decide to try and “deliver” them (of their curse). To do so, they had to fill their rifles with a blessed palm branch, a four-leaf clover and bullets dipped in holy water. Unfortunately, the young man who went to get the bullets spills the holy water and can’t find the four-leaf clover, so it doesn’t work. The second option is to use a rosary instead of bullets, causing the loup-garous to disperse. Unfortunately, the rosary had not yet been blessed, so it’s unlikely that the loup-garous were delivered.

In the Kamouraska region (Bas-Saint-Laurent), a diary records the travels of a loup-garou who takes the form of a beggar. We know he promises people they’ll get whatever they want, but we’re not told in of what they will have to give in exchange. Various animals were sent after him, armed and unleashed against this monster”. One of these animals is said to have caught him and this sent him cowering to his lair. We thought we’d got rid of this loup-garou, but he reappeared « more furious than ever and made terrible carnage wherever he went ». Again, we have no details on the type of carnage involved. And that’s the last we’ve heard of this loup-garou.

Marius Barbeau also collected a few anecdotes from this same region. We learn that only loup-garous fly on Chasse-galeries to be “delivered” at home. This contradicts most of the Chasse-galerie stories we’ve collected, which just goes to show the regionalisms that can emerge. It seems that in 1870, there were so many loup-garous in the Kamouraska region that we didn’t even know where they came from. It seems they were even coming from the other side of the river. A man had his cows dévirer (exact meaning unknown, but it couldn’t have been good) by a loup-garou. So he decided to deliver the loup-garous. He planted a hooked scythe in a fence post. The next day, he found a head « well known to the parish » next to the post.

A final story for this article takes place in L’Islet (Chaudière-Appalaches). One evening, Marcello was sugaring (making maple syrup) alone in a cabin. The door swings open and something rushes in. At first he thinks it’s a bear, but the object has no head or paws, and is in fact a tapon (pile) of wool. In the nick of time, he gets out his pocket knife, then the blows start raining down.  Marcello’s nose and forehead are bleeding, and blood is pouring into his eyes. He tells himself that his only chance is to deliver the loup-garou. As the loup-garou charged at Marcello again, he swung his knife with all his might. He sees the blood redden the pile of wool, and almost immediately the wool is transformed into a man he knew quite well. The man thanks Marcello for delivering him, but threatens to come back and finish what he started if Marcello « outs » himat mass. At mass, Marcello sees the man again, who explains the wound on his face by saying that he was in a fight at the lumber shanty.

We can see here that loup-garous, while playful and even sometimes harmless, are capable of great evil and violence. Most of the stories told here involve carnage, cutting up bodies, déviring cows, attacking a man. It’s only natural that people feared these creatures, especially as they were rarely complete strangers, but members of their own community. We generally had our suspicions about who were loup-garous, because we knew who followed the prescripts of their religion well and who didn’t. We can also see that people living on the margins of society (such as beggars) could also be the target of rumors.

Loup-garous were well represented in the three named regions: Montérégie, Bas-Saint-Laurent and Chaudière-Appalaches, as well as Beauce, as we saw earlier. Loup-garou stories can be found throughout French Canada, and in the diaspora too. In the coming months, we’ll be continuing our exploration of this phenomenon.


BARBEAU, Marius. 1920. Anecdotes populaires du Canada. Première série. The Journal of American folklore, vol.33, No 129. p.173-297

LAMBERT, Pierre. Contes et récits de la Montérégie. 2008. Éditions Trois-Pistoles, Notre-Dame-des-Neiges.

SÉGUIN, Rober-Lionel. La sorcellerie au Canada français de XVIIe au XIXe siècle. 1961. Librairie Ducharme limitée, Montréal.

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