Pois-Verts, pas exactement une bonne personne, mais…

TW: violence graphique / meurtre

Dans cet article, nous voulons vous parler d’un personnage intéressant que nous avons rencontré dans le conte appelé Le conte de Pois-Verts (1). Ce conte nous est rapporté par Marius Barbeau en 1914. Il lui fut conté par un conteur réputé, Prudent Sioui. Sioui l’avait lui même entendu conter par son père, Clément. Prudent habitait Lorette, Québec qui est de nos jours une banlieu de la ville de Québec. 

Ce conte est fascinant, car Pois-Verts ressemble en plusieurs points à Ti-Jean, mais est spécifiquement identifié comme un magicien et un joueur de tour. C’était le domestique d’un prêtre, ce qui implique qu’il fut jadis un fervent catholique, mais qu’à un moment donné son chemin a bifurqué vers la magie. Dans le conte, on ne peut pas conclure qu’il s’agissait d’un magicien dans le sens de Sorcier, mais si vous retirez les couches qui entourent la relation et ce que ça veut dire être un joueur de tour, on peut conclure que c’est implicite. C’est aussi un narratif canadien français classique où l’Église est positionnée comme le “système” le plus puissant, alors que les pratiques folkloriques sont inférieures. Cependant, à la fin, en jouant des tours au prêtre, on finit par l’exposer comme une mauvaise personne et justice est rendue. 

Pois-verts, fatigué d’être le domestique du prêtre, quitte son service et s’en va de par le vaste monde. Il décide alors de jouer un tour au prêtre en utilisant un fouet supposément magique.  Il prend deux tisons et les placent dans une marmite de soupe. Appelant le prêtre par la suite, il lui montre comment le fouet peut faire bouillir la soupe. Il s’assoit avec le chaudron entre les jambes et fouette la soupe en récitant “Bouille, ma soupe”, ce qui rappelle le “Joue mon gourdin “ de Ti-Jean, et la soupe se met à bouillir. Le prêtre achète le fouet à Pois-verts pour 100$ puis retourne chez lui. Il demande alors à ses autres domestiques d’amener une bouilloire d’eau froide pour faire le thé. Il fouette la bouillir, dis les mots magiques… mais rien ne se passe. Il réalise alors qu’il s’est fait avoir. 

Rouge de colère, il retourne confronter Pois-Verts, mais Pois-Verts attend déjà son ancien maître. Il a placé une vessie remplie de sang autour du cou de sa mère et proclame que celle-ci est morte. Il dit alors au prêtre de ne pas s’inquiéter, une vieille magicienne lui a donné un sifflet magique qui peut ramener les gens à la vie. Il joue alors “tourututu” sur son sifflet et la vielle femme se relève. Stupéfié, le prêtre achète aussi le sifflet et, une fois rendu chez lui, et je ne peux pas inventer ça, il assassine un de ses domestiques après un conflit qu’il a lui-même instigué. Il essaie de ressusciter son domestique avec le sifflet et, évidemment, le domestique reste mort. Le prêtre est évidemment désespéré de ce qu’il a fait… euh non, il est plutôt fâché contre Pois-Verts de lui avoir encore joué un tour. 

Le prêtre élabore alors un plan pour jeter Pois-Verts dans un sac et le balancer à la mer, mais il se repose sur ses domestiques pour faire le travail à sa place. Les domestiques le placent dans le sac, le battent et le traînent jusqu’à un pub qui se trouve sur le chemin. Pendant que les domestiques boivent à l’intérieur, Pois-Verts se mets à crier “je ne veux pas y aller”. Un passant l’entend crier et lui demande où il ne veut pas aller. Pois-Verts lui explique qu’on l’amène pour coucher avec la princesse. Le passant lui offre promptement de prendre sa place. C’est donc le pauvre passant qui se retrouve jeté à la mer. Les domestiques retournent auprès du prêtre qui est très satisfait de savoir que le travail a été fait. 

Un peu plus tard, Pois-Verts émerge de la forêt en guidant un troupeau de bêtes à corne. Il les faisait avancer avec un bâton en criant “ouche, mourche!” Le prêtre ne peut pas croire que Pois-Vert est toujours en vie et lui demande ce qui c’est passé? Pourquoi il avait toutes ces bêtes? Pois-Vert explique que les domestiques l’ont jeté tout près du rivage et qu’il a atterri au milieu de ces bêtes. Si les domestiques l’avaient jeté plus loin, il aurait atterri au milieu de magnifiques chevaux noirs. Il aurait pu revenir avec un troupeau de chevaux pour le prêtre, mais ses employés étaient trop incompétents. Le prêtre demande alors à être jeté dans la mer et les domestiques s’exécutent. Le prêtre coule au fond de l’océan avec l’infortuné passant. Par la suite, Pois-Verts est devenu un riche marchand et vécut le restant de ses jours en paix. 

Comme vous pouvez le voir, ce conte est tout un voyage. Ce que l’on apprend de ce conte, c’est que pour une fois, c’est le Sorcier qui triomphe de l’Église. C’était la réalité au Canada français, où l’Église était souvent l’oppresseur de la classe paysanne. Souvent, les gens qui avaient peu de moyen se tournaient vers le prêtre pour une guérison ou pour améliorer leur sort. Quand ceci ne donnait pas les résultats escomptés, ils se tournaient vers les magiciens et les sorciers de leur communauté pour obtenir les résultats que l’Église ne pouvait offrir. Bien que Pois-Verts ne soit pas une bonne personne, c’est un personnage compliqué et meurtrier, il est aussi un agent de la justice quand la justice était difficile à obtenir.


TW/CW: Mentioning of graphic violence / murder

In this post we would like to talk about an interesting character we came across in the folktale called Le conte de Pois-Verts (The tale of Green-Peas) (1). This story was recounted to Marius Barbeau in 1914 by renowned conteur (storyteller) Prudent Sioui. Sioui heard it from his father Clément. Prudent was from Lorette, Québec which is today a suburb of Québec City. 

This tale is very fascinating as Pois-Verts is a protagonist very similar to Ti-Jean, but is specifically identified in many ways as a magician, player of tricks and a jokester. He was a servant of a priest, meaning he was once a faithful Catholic, but broke away to take up the practice of magic. In the tale, this is not specifically understood as a magician in the sense of a Sorcier, however if you peel back the layers on the relationship and what is meant by “joueur de tours” (player of tricks) it can be seen that, at least in an oblique way, this is implied. This is also a classical French Canadian narrative where the church is positioned as the more powerful “system”, whereas the folk beliefs and magical practices are inferior. But in the end, through his approach to “playing tricks” on the priest, he exposes the priest as an evildoer and brings about justice.

Pois-Verts, tired of being the priest’s servant, leaves his master going out into the world on his own accord. He then decided to play a trick on the priest by using a supposed magical  whip. He took two red hot irons and put them in a pot of soup. Then, calling the priest to him he showed that with his whip he could make the soup boil just by whipping it and saying “Bouille, ma soupe!” (Boil my soup!). He sat down with the pot between his legs and whipped it giving that command – which is not unlike “Joue, mon gourdin!” (play, my baton!”) from the Ti-Jean tales with a magic stick – and the soup boiled. The priest bought the whip from Pois-Verts for 100$ and then went back to his place. Once there he got his other servant to bring a kettle of cold water to make tea, he whipped it and said the magic words… but nothing happened. He then realised he was deceived. 

Spitting mad, he goes back to find Pois-Verts, to confront him – but Pois-Verts was awaiting his old master – in the meantime the magician had placed a bladder filled with blood around his mother’s neck and claimed that she had died. But he said to the priest, no worries, an old magicienne (Sorceress) had given him a magical whistle that could bring her back to life. So he played it “Tourututu!” and the old woman got up. Again, amazed the priest did the same and bought it. Once back at his place he promptly – and this cannot be made up – murdered his other servant over a manufactured crisis and attempted to revive the servant with the whistle. The servant remains dead. Of course, the priest is distraught over what he had done… ummm actually he is upset with Pois-Verts for having tricked him again.

The priest then devises a plan to have Pois-Verts put into a salt-sack and thrown out to sea. But he relies on other servants to do the work for him. The servants put him in the sack, beat him and carried him to a pub on the way. The servants inside are drinking away, while Pois-Verts starts yelling that he didn’t want to go. A passer-by heard him yelling from the sack and asked Pois-Verts where he didn’t want to go. He replied that they were taking him to the princess to sleep with her. But, he offered to trade places with the stranger. The stranger traded places and was promptly carried off and tossed out to sea. The servants went back to their master and assured him that the job was done. He was very satisfied. 

Some time later, Pois-Verts emerges from the forest leading a herd of horned beasts. He was driving them with a stick yelling “Ouche, mourche!”. The priest could not believe his eyes that it was his nemesis alive and well. He asked him what took place? Why was he back with all these beasts. He said to the priest that the servants threw him too close to shore and there he landed in all these horned beasts, but had he been thrown farther, he would have landed amongst beautiful black horses. He could have been back with a herd of wild horses for the priest… but his servants were too inept. Not to be outdone, the priest demanded to be thrown out to sea among the horses and that’s what the servants did. In the end the evil priest sank to the bottom of the sea along with the unfortunate passer-by. After that, Pois-Verts became a rich merchant and lived out his life in peace. 

As you can tell, this folktale is quite the trip. But what we can glean from it is that for once, it is the Sorcier who gets the upper hand over the church. This was a lived reality in French Canada, where the church was at many times oppressive to the peasant class. Oftentimes the people, devoid of means, would turn to the priest for healing or to somehow better their lot in life. But when that failed, they would turn to the magic-workers of their communities to get the results that the church could not provide. Although Pois-Verts is not a good person – he is complicated and murderous in his own right – he is a means of dispensing justice where justice was so hard to find.


(1) Barbeau, C.-Marius. “Contes Populaires Canadiens. Première Série.” The journal of American Folklore 29, no. 111 (Jan-Mar., 1916): 99.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :