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Comme plusieurs, une des premières choses que j’ai touchées quand j’ai commencé à m’intéresser au paganisme fut le tarot. La lecture de l’avenir était un de ces incontournables que l’on devait connaitre et aussi un sujet facile à aborder, car il y avait une multitude de livres disponibles. C’était, semblait-il, une des sphères d’influence de la sorcière qui avait traversé le temps. Le thème de l’oeil est donc tout indiqué pour que je me penche sur ce qui en était de la divination en Nouvelle-France et plus tard au Québec.
Jusqu’à tout récemment, il est plutôt évident que la voyance et la clairvoyance étaient condamnées. La divination était associée au diable et devait donc être évité à tout prix. Monseigneur Turgeon met d’ailleurs les Québécois en garde contre la divination aussi récemment qu’en 1851. Francis A. Abbott, nous relate les propos du Monseigneur sur les arts divinatoires: “ils pratiquaient la très criminelle et inspirée-du-démon forme de superstition connue comme la divination qu’il [Mgr. Turgeon] définissait comme avoir “recours au démon pour découvrir des choses cachées, dont nous ne pouvons acquérir la connaissance pas des moyens naturels”. Une telle curiosité “criminelle” à propos du futur ne pouvait que venir du Diable”1. Le pouvoir séculaire interdit aussi la divination et ce, même après que la loi qui interdit la sorcellerie fut abolie. Une loi de 1808 condamne ainsi la lecture du futur: “toute personne convaincue de se faire passer pour Sorcière, de dire la bonne aventure, et de prétendre faire découvrir par magie des choses cachées ou volées, est condamnable à un an d’emprisonnement, à paraitre quatre fois au Pilori, et à donner caution pour sa conduite” 2.
Ces belles exhortations ne furent certainement pas bien comprise par le Québécois moyen, car l’usage des augures étaient extrêmement répandu. On parlait de dicton, mais vraiment, c’était une méthode de divination. A début des années 1980, M. Pierre DesRuisseaux a recensé assez de matériel pour écrire deux livres rempli de croyances et d’interprétation d’augures qu’il avait collectionné un peu partout au Québec. Un de ces livres fut même réédité. Ça faisait partie des choses banales auxquelles on ne pense pas deux fois. Chez nous, et chez plusieurs familles sûrement, on dit qu’une femme viendra nous visiter si on échappe une fourchette par terre et un homme si c’est un couteau. Si l’oreille droite nous scille, quelqu’un parle en bien de nous, si c’est la gauche, c’est en mal (ou vice-versa, honnêtement, les deux existent). Si la femme enceinte est malade, elle attends un garçon. Une femme enceinte ou menstruée ne doit pas faire de sauce blanche, car celle-ci va tourner. Un oiseau qui entre dans la maison est signe d’une mort imminente, tout comme l’entrée d’une chauve-souris. Ce sont des expressions que l’on a entendu des dizaines de fois sans y prêter attention et souvent en les classant comme une superstition. Pourtant, ce n’est pas très différent de l’interprétation des rêves ou de lire les lignes de la main. C’est clairement la forme de divination la plus courante au Québec. Certaines des interprétations nous viennent des pays d’Europe, car ils y sont répandus là aussi, comme par exemple le diction “araignée du matin, chagrin, araignée du soir, espoir” qui est autant connu en France qu’ici. D’autres sont supposées nous être spécifiques, comme par exemple, si le nez d’une femme la démange, elle embrassera un fou ou aura de la visite4.
Voici quelques interprétations qui nous sont parvenues par l’intermédiaire d’articles ou de livres et qui traite des sphères qui intéressent généralement les païens:
Chat:
Le chat porte généralement malheur au Québec, mais il est aussi parfois chanceux.
- Se faire regarder dans un miroir par un chat porte malheur4.
- Piler sur la queue d’un chat retarde le moment de son mariage de 1 à 7 ans, dépendant des régions4.
- Si les yeux d’un chat sont ronds, la marée est haute, s’ils sont effilés, la marée est basse4.
- Un chat qui miaule trois fois près d’un bébé annonce la mort de ce bébé4.
- Un chat qui mange de l’herbe annonce une mort4.
- On ne doit pas tuer un chat enragé, car il nous jettera un sort4.
- Un chat noir peut porter chance ou malchance selon les régions4.
Chien:
Au Québec, comme dans plusieurs autres endroits au monde, le chien est un psychopompe. Il est donc lié de près à la mort:
- Un chien qui hurle toute la nuit prédit une mort4.
- Noyer son chien amène la malchance4.
- Un chien qui mange de l’herbe annonce une visite avant midi4.
- Un chien qui enterre à moitié son os indique la pluie6.
Lune:
La lune a une grande force en magie folklorique au Québec, mais restons dans le sujet et voyons quel augure on peut en tirer:
- Un enfant naissant pendant le premier quartier de lune ou la pleine lune aura une bonne santé ou deviendra grand4.
- Si on regarde la lune à gauche, on aura un cadeau dans le mois4.
- Si une jeune fille aperçoit la lune à droite, elle verra son amoureux, si elle la voit de face, elle ne le reverra plus et si c’est à gauche, elle le verra et lui parlera4.
- Voir pour la première fois la nouvelle lune à sa gauche indique qu’on recevra un cadeau dans le mois5.
- Si un enfant à les yeux verts, c’est que la lumière de la lune lui a frappé les yeux quand il était dans son berceau6.
- “Lune toute seule, ferme ta gueule. Lune toute pleine, sème tes graines”6
Miroir:
- Un bébé qui se voit dans un miroir sera malchanceux4.
- Si un miroir est donné en cadeau, il amène la malchance4.
- Le miroir était utilisé comme objet de divination par cristallomancie (scrying) particulièrement pour découvrir qui on allait marier4.
Balai:
- On n’amène jamais un balai avec soi quand on déménage, car on amène la malchance4.
- On ramasse immédiatement un balai tombé sinon on attire la malchance. On ne l’enjambe pas non plus lorsqu’il est par terre pour la même raison4.
Jours de la semaine:
- Dimanche: Si on se coupe les ongles, on deviendra malade. Si on coupe les ongles d’un enfant, il deviendra voleur4.
- Lundi: Un gros lundi annonce le reste de la semaine plus tranquille et vice-versa4.
- Mardi: Un mariage le mardi annonce une vie sans richesse, mais où la femme sera la chef de maison4.
- Mercredi: Naitre un mercredi annonce une vie malheureuse4. Se marier un mercredi annonce une lune de miel éternelle4.
- Jeudi: Naitre un jeudi annonce une vie heureuse4. Se couper les ongles un jeudi attire l’argent4.
- Vendredi: Naitre un vendredi annonce que l’on aura du succès en affaire4. Un corps exposé le vendredi en annonce trois pour la semaine suivante4. Le vendredi est la meilleure journée pour sevrer un enfant4. Commencer un travail le vendredi est malchanceux4.
- Samedi: se couper les ongles un samedi est signe de voyage4.
Autres journées:
- Chandeleur (2 février/Imbolc): On travaille la farine ce jour-là pour s’assurer une bonne récolte4.
- 1ier mai (Beltane): si on emprunte quelque chose le 1ier mai, le beurre ne tournera pas de l’année4.
- Si il fait beau le 24 décembre, les récoltes seront mauvaises, elles le seront si le temps est mauvais6.
- Toussaint (1ier novembre/Samhain) : Si les lapins sont blancs à la Toussaint, l’hiver sera neigeux.
Autres:
- Si les chevaux baillent, il y aura du vent4.
- Si on boit les bulles qui se forment dans une tasse au moment où on verse le thé d’un seul coup, on aura de la chance4.
- Trouver un fil noir sur ses vêtements porte chance4.
- Chanter le matin amène de la peine dans la journée4.
- Une araignée qui raccourci les fils de sa toile indique la pluie, si elle les allonge pendant la pluie, celle-ci ne durera pas longtemps6.
- Si les pissenlits fleurissent deux fois, l’automne sera prolongé6.
- Si la rate d’un animal tué en boucherie est lisse, l’hiver sera entrecoupé de périodes plus chaudes, si elle est bosselée, l’hiver sera uniforme6. (On lisait dans les entrailles d’animaux au Québec, he, ben!)
Les deux sphères où l’interprétation des augures est particulièrement étoffée sont la météorologie et l’amour. Je n’en ai pas rapporté beaucoup, car honnêtement, il y en a trop. Le Québécois moyen pouvait prédire le temps qu’il ferait à partir de tout. On prédit la pluie, le vent, les récoltes, la neige, la durée des saisons. C’est peu surprenant, étant donné l’importance que la météo pouvait avoir sur les récoltes et éventuellement sur la survie. Aussi, la vaste majorité des Québécois travaillaient la terre ou vivait dans de petits villages. Ils étaient donc très près de la nature et il me semble normal qu’ils aient trouvés des moyens de la déchiffrée. La quantité phénoménale d’augures qui dérivent de l’observation de la lune et du soleil indique pour moi que les gens passaient effectivement beaucoup de temps à observer et à ressentir leur milieu (Voir Desruisseaux, 1982). Et pour ce qui est de l’amour… On se mariait surtout par devoir au Québec, mais il était permis d’espérer trouver dans ces arrangements un peu d’amour et de bonheur.
Pour terminer, un petit fait divers pour ceux qui vivent ou ont visité le Québec, vous avez sûrement remarqué qu’il n’est pas rare que le dernier morceau d’un plat y reste longtemps avant qu’il ne soit manger par un convive. On s’est trop souvent fait dire de ne pas vider les plats par nos grands-parents et parfois même nos parents. He, bien, ceux-ci avaient peut-être oubliés que ce n’est pas par politesse qu’on laisse le dernier morceau, mais parce que celui qui “vide le plat” restera célibataire! 😉 3)
Bibliographie
1ABBOTT, Francis A. (2012) The body or the soul? Religion and culture in a rural parish, Saint-Jospeh-de-Beauce, 1736-1901. Thèse de doctorat en philosophie. Simon Fraser University. 307 p.
2SÉGUIN, Robert-Lionel. (1961) La sorcellerie au Canada Français du XVII et XIX siècle. (1ière édition). Montréal : Librairie Ducharme. 191 p.
3ROUSSEAU, Madelaine et Jacques Rousseau. (1950) Charmes et merveilleux. Extrait des Archives du Folklore Vol. 4, 1949. Fides. p.76-85
4DESRUISSEAUX, Pierre. (1973) Croyances et pratiques populaires au Canada français. Montréal: Édition du jour. 224 p.
5MASSICOTTE, E-Z. (1919) Croyances et dictons populaires des environs de Trois-Rivières (Canada). Journal of American Folklore. Vol. 32: No 123. p. 168-175.
6DESRUISSEAUX, Pierre. (1982) Le livre des prognostics au Québec – Dictons, croyances et conjurations du temps. Montréal: Éditions Hurtunises HMH. 246 p.
The interpretation of omens in Québec
Like many, one of the first things I came across when I became interested in paganism was the tarot. Reading the future was one of those things you had to know about and also a subject that was easy to talk about because there were so many books available. It was, it seemed, one of the spheres of influence pertaining to witches that has persisted to this day. This being the case, it is therefore very appropriate for me to look into what divination was like in New France and later in Québec.
Until recently, it is rather obvious that clairvoyance and fortune-telling were condemned. Divination was associated with the devil and should be avoided at all costs. Monsignor Turgeon warned Québeckers against divination as recently as 1851. Francis A. Abbott, recounts the Bishop’s words on the divinatory arts: « they practiced the very criminal and devil-inspired form of superstition known as divination which he [Monsignor Turgeon] defined as having « recourse to the devil to discover hidden things, the knowledge of which we cannot acquire by natural means ». Such ‘criminal’ curiosity about the future could only come from the Devil » (1). The secular powers also forbade divination, even after the law prohibiting witchcraft was abolished. A law of 1808 condemned the reading of the future as follows: « any person convinced of pretending to be a witch, of telling fortunes, and of pretending to discover hidden or stolen things by magic, is condemned to one year’s imprisonment, to appear four times at the pillory, and to give a guarantee for his conduct » (2).
These beautiful exhortations were certainly not well understood by the average Quebecker, for the use of omens was extremely widespread. We spoke of dictons (“sayings”), but in reality, this was a method of divination. In the early 1980’s, Mr. Pierre DesRuisseaux collected enough material to write two books filled with beliefs and interpretations of omens which he had collected throughout Québec. One of these books was even republished. It was one of those commonplace things that you don’t think twice about. In our house, and in many families, it is said that a woman will visit us if we drop a fork on the floor and a man if it is a knife. If the right ear is ringing, someone speaks well of us, if it is the left, they are speaking ill (or vice versa, honestly, both exist). If a pregnant woman is sick, she is expecting a boy. A pregnant or menstruating woman should not make a white sauce, because it will spoil. A bird entering the house is a sign of imminent death, as is the entrance of a bat. These are expressions that we have heard dozens of times without paying attention and often classifying them as superstition. However, it is not very different from dream interpretation or palm reading. It is clearly the most common form of divination in Québec. Some of the interpretations come to us from European countries, as they are widespread there too, such as the diction « morning spider, sorrow, evening spider, hope » which is as well known in France as it is here. Others are supposed to be specific to us, like for example, if a woman’s nose itches, she will kiss a fool or have a visitor (4).
Here are some interpretations that have come down to us through articles or books which deal with the spheres that generally interest pagans:
Cat:
The cat generally brings bad luck in Québec, but it is also sometimes lucky.
- Being looked at in a mirror by a cat brings bad luck (4).
- Stepping on a cat’s tail delays the time of marriage by 1 to 7 years, depending on the region (4).
- If a cat’s eyes are round, the tide is high, if they are slanted, the tide is low (4).
- A cat that meows three times near a baby means that the baby is dead (4).
- A cat that eats grass announces a death (4).
- You should not kill a rabid cat, because it will put a curse on you (4).
- A black cat can bring good or bad luck depending on the region (4).
Dog:
In Québec, as in many other places in the world, the dog is a psychopomp. It is therefore closely linked to death:
- A dog that howls all night predicts a death (4).
- Drowning your dog brings bad luck (4).
- A dog that eats grass announces a visit before noon (4).
- A dog that buries half its bone foretells of rain (6).
Moon:
- The moon has great power in folk magic in Québec, but let’s stay on topic and see what omens we can draw from it:
- A child born during the first quarter of the moon or the full moon will have good health or will grow greatly (4).
- If one looks at the moon on the left, one will have a gift within the month (4).
- If a girl sees the moon on the right, she will see her lover, if she sees it from the front, she will not see him again and if it is on the left, she will see him and talk to him (4).
- Seeing the new moon on the left for the first time indicates that one will receive a gift within the month (5).
- If a child has green eyes, it means that the light of the moon hit his eyes while he was in his crib (6).
- Moon all alone, shut your mouth. Full moon, sow your seeds (6).
Mirror:
- A baby who sees themselves in a mirror will be unlucky (4).
- If a mirror is given as a gift, it brings bad luck (4).
- The mirror was used as an object of divination by crystallomancy (scrying) especially to learn who was to be married (4).
Broom:
- You never take a broom with you when you move, because it brings bad luck (4).
- Pick up a fallen broom immediately or you will bring bad luck. You also don’t step over it when it is on the ground for the same reason (4).
Days of the week:
- Sunday: If you cut your nails, you will get sick. If you cut a child’s nails, he will become a thief (4).
- Monday: A busy Monday heralds a quieter week and vice versa (4).
- Tuesday: A marriage on Tuesday announces a life without wealth, but where the woman will be the head of the house (4).
- Wednesday: Being born on a Wednesday means an unhappy life (4). Getting married on Wednesday means an eternal honeymoon (4).
- Thursday: To be born on Thursday means a happy life (4). Cutting your nails on a Thursday brings money (4).
- Friday: To be born on a Friday means success in business (4). A body exposed on Friday means three more (exposed) in the following week (4). Friday is the best day to wean a child (4). Starting a job on Friday is bad luck (4).
- Saturday: cutting your nails on a Saturday is a sign of travel (4).
Other days:
- Candlemas (February 2/Imbolc): Flour is worked on this day to ensure a good harvest (4).
- May 1st (Beltane): If you borrow something on May 1st, the butter will not turn all year (4).
- If the weather is good on December 24th, the harvest will fail, it will fail if the weather is bad (6).
- All Saints’ Day (November 1/Samhain): If the rabbits are white on All Saints’ Day, the winter will be snowy.
Others:
- If the horses yawn, it will be windy (4).
- If you drink the bubbles that form in a cup when you pour tea in one go, you will have good luck (4).
- Finding a black thread on your clothes brings good luck (4).
- Singing in the morning brings sorrow in the day (4).
- A spider that shortens the threads of its web indicates rain, if it lengthens them during the rain, it will not last long (6).
- If the dandelions bloom twice, the autumn will be prolonged (6).
- If the milt of a slaughtered animal is smooth, the winter will be interspersed with warmer periods, if it is bumpy, the winter will be uniform (6). (We used to read in the entrails of animals in Québec, hah, well!)
The two spheres where the interpretation of omens is particularly rich are in meteorology and love. I didn’t share many of them, because honestly, there are too many. The average Quebecker could predict the weather from anything. They predicted rain, wind, crops, snow, the length of the seasons. This is hardly surprising, given the importance that weather could have on crops and eventually on survival. Also, most Quebeckers worked the land or lived in small villages. They were therefore very close to nature and it seems normal to me that they found ways to decipher it. The phenomenal quantity of omens derived from the observation of the moon and the sun indicates to me that people did indeed spend a lot of time observing and feeling their environment (see Desruisseaux, 1982). And as for love… People got married mostly out of duty in Québec, but one could hope to find some love and happiness in these arrangements.
Finally, a little fact for those who live in or have visited Québec, you have surely noticed that it is not uncommon for the last morsel of a dish to remain there for a long time before it is eaten by a guest. We were too often told not to empty the dishes by our grandparents and sometimes even our parents. Hey, well, maybe they forgot that it’s not for politeness that we leave the last piece, but because the one who « empties the dish » will remain single 😉 (3)
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