English will follow
Publié originellement dans Wyntergrene edition Litha 2019
Quand les premiers colons sont arrivés ici, ils emportaient tous les mythes et le folklore de leurs régions d’origine. Cependant, ils venaient ici pour créer quelque chose de nouveau. Ils arrivaient en Nouvelle-France avec une mission premièrement commerciale, mais, même si peu d’entre eux se l’imaginaient, ils allaient aussi devenir les fondateurs d’une nouvelle nation. Ils étaient peu nombreux et ils durent apprendre à vivre ensemble, si bien qu’il est facile d’imaginer qu’ils eurent souvent à trouver le plus petit dénominateur commun, pour arriver à s’entendre et se comprendre. Ceci s’appliquait aussi lorsqu’ils se contaient des histoires, ils devaient trouver un terrain d’entente. Si, sur le continent européen, certains faisaient une différence entre « lutin », « luiton » ou « nuton », en Nouvelle-France, ils furent tous regroupés sous le terme de « lutin ». Il en fut de même pour les fées. On retrouve énormément de mentions de fées dans les contes, mais il en est beaucoup moins question dans les anecdotes folkloriques. En d’autres termes, si la fée peuple la plupart des histoires des conteurs, le Canadien français moyen n’en fait pas souvent la rencontre, ni n’expérience les effets de leurs passages. On peut opposer à cette rareté les manifestations des lutins qui venaient régulièrement « tresser les chevaux » et dont les récits de leurs bêtises ou de leurs interactions avec les humains sont abondants.
Il semble qu’ici l’on ne parle des fées que pour nous parler de « trous de fées », des grottes naturelles où elles auraient élu domicile. Ici encore, l’amalgame des différentes traditions est palpable : on parle de « trou de fée », mais on ne sait jamais de quelle sorte de fée il s’agit. Le terme en est un générique qui laisse à chacun la possibilité de voir les fées sous la forme qui lui semble la plus probable. Malheureusement, même les trous de fées sont rares au Québec. Roy et Barbeau en ont recensé deux : un à Sainte-Anne-de-la-Pocatière dans la région de Kamouraska et un à La Tourelle, en Gaspésie. Une recherche rapide permettra de trouver au moins deux autres grottes portant ce nom, celle nichée sur une falaise du Mont-St-Hilaire en Montérégie et une autre à Desbiens au Lac-Saint-Jean. Il en existe bien aussi une à Crabtree, mais je n’arrive pas à trouver d’histoire où on parle de la présence des fées. Cette grotte fut découverte par hasard en 1822 et il semble probable qu’on lui ait donné ce nom, car c’était un nom rendu usuel pour ce genre de caverne. La caverne est spacieuse et facilement accessible, alors je vous encourage à aller y faire un tour et a voir si vous sentez la présence de fées.
Le trou de fée de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est peu documenté. On trouve la mention dans les anecdotes de Barbeau, mais sans plus. Heureusement, elle est mentionnée dans un poème cité dans un livre sur Sainte-Anne-de-la-Pocatière*. Grâce à cet écrit, on peut savoir que ce lieu était souvent visité et qu’il faisait partie du paysage vivant de l’endroit.
Source: DIONNE, N-E. Sainte-Anne-de-la-Pocatière 1672-1910, L’ile-aux-oies 1646-1910
On trouve aussi mention dans Barbeau et Roy d’un trou de fée à La Tourelle en Gaspésie. L’entrée étroite de cette grotte dissimulait une cavité de 10 pieds de profond et 15 pieds de haut. Les jeunes enfants lançaient des cailloux dans la grotte dans l’espoir d’attraper une fée ou de la faire sortir, quand on était plus grand, on rentrait parfois dans la grotte, mais on n’y restait pas longtemps. Au moment de la publication des écrits de Barbeau et de Roy, il semble y avoir eu consensus chez les gens de la région que des fées habitaient bien cette grotte. Ce trou de fée n’existe malheureusement plus, car il a été dynamité lors de la construction de l’église de Sainte-Anne-des-Monts, comme un écho de la tradition du vieux continent de bâtir des églises sur des lieux de cultes déjà utilisés.
Il existe aujourd’hui des sentiers pédestres se rendant à la grotte de Sainte-Anne-de-la-Pocatière** et qui passent là où se trouvait jadis la grotte de La Tourelle***.
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Plus près de Montréal, on peut voir sur le versant nord-ouest du Mont-St-Hilaire une grotte des fées. Il est cependant interdit de la visiter, ce qui est un avertissement bien utile, car on dit que plus on s’approche de l’entrée de cette grotte, plus elle semble impossible à trouver. Quelques téméraires ont tous de même réussi l’expédition, comme en témoigne la photo trouvée ici:
https://calypso.bib.umontreal.ca/digital/collection/_archives/id/1093.
Aussi, les nouvelles technologies sont d’un bon secours https://youtu.be/iygqOIZdO7w. Pour voir la grotte par vous même, il suffit de se rendre à l’intersection des rues “de la Grotte” et “des fées” dans la municipalité de Mont-St-Hilaire d’où elle est bien visible. Oui, ce sont les vrais noms des rues, ça ne s’invente pas des affaires de même.
Aussi, si vous visitez la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il existe un parc dédié au Trou de la Fée. La légende raconte que, lors de la Deuxième Guerre mondiale, la fée qui réside dans cette grotte aurait protégé des jeunes hommes qui auraient préféré “prendre le bois” que de se rapporter au régiment auxquels ils avaient été conscrits. C’est maintenant un site touristique bien établi, il est donc possible de s’y rendre facilement et de manière sécuritaire.****
…
BARBEAU, Marius, George MERCURE, Jules TREMBLAY et J.-E.-A. CLOUTIER. « Anecdotes populaires du Canada », première série, The Journal of the American Folk-Lore, vol. XXXIII, no. 129, (July-Sept 1920), p. 173 – 297.
ROY, Carmen (1962). Littérature orale en Gaspésie. Ottawa, Musée national du Canada, bulletin no. 134, 389 p.
*DIONNE, N-E, (1910). Sainte-Anne-de-la-Pocatière 1672-1910, L’ile-aux-oies 1646-1910. Québec, Laflamme et Proulx, 219 p.
***https://baliseqc.ca/3S/explorer/gaspesie/sentier-de-la-fee-LR1067
****http://www.cavernetroudelafee.ca/
The Fairy Hollow
Originally published in Wyntergrene Litha 2019 edition
When the first colonizers arrived, they brought with them their myths and their regions’ folklore. However, they were coming here to create something new. They were coming to Nouvelle-France with a primarily commercial mission but, even if they didn’t know it at the time, they were the founders of a new nation. There were very few of them and they had to quickly learn to live with each other. It’s easy to imagine that they had to find common ground to be able to understand each other. It must have also applied to when they were telling each other stories. So, while on the European continent, there was a clear difference between “lutin”, “luiton” and “nuton” in Nouvelle-France they were all lumped together under “lutin” (goblin). The same thing applied to fairies. We may encounter a lot of stories with fairies as characters, however in local folklore this isn’t always the case. In other words if fairies show up in every other tale from the conteur (storyteller), most people have not actually encountered one in real life nor have they experienced the aftermath of their presence. This can be contrasted with how common the accounts of the lutin’s mischievousness are. We have countless stories of them braiding – or rather knotting – a horse’s mane or otherwise interacting with humans.
It seems that when we are talking about fairies in French Canada, it’s mostly to talk about the trous de fées (fairy hollows), natural caves or grottos where they were said to have once lived or still do. Here, we can see the heritage of the common ground found by those first colonizers: We find “trous de fées” all over the territory, but we are never told which kind of fairies lived in them. The term is generic, so everyone could picture fairies under the guise which fit the most with their own background. Unfortunately, even “trous de fées” are rare in Québec. Roy and Barbeau talked about only two: one in Sainte-Anne-de-la-Pocatière in the region of Kamouraska and one in La Tourelle in Gaspésie. Quick research provided two more results, one nestled on one of Mont-Saint-Hilaire’s cliffs and another in Desbiens in the region of Lac-Saint-Jean. There is another one that can be found in Crabtree, but I can’t find any stories where the presence of fairies is acknowledged. The cave was found by chance in 1822 and it seems plausible that by then, this was the default name for that kind of cave. It’s fairly large and easily accessible, so I do encourage you to visit it and see if you can connect with any fairy therein.
Sainte-Anne-de-la-Pocatière’s “trou de fée” is not very well documented. We find it’s name in Barbeau’s anecdotes, but not much more. Fortunately, it’s also mentioned in a poem cited in a book about Sainte-Anne-de-la-Pocatière*. Thanks to that, we have proof that this cave was visited often and was part of the living landscape.
Source: DIONNE, N-E. Sainte-Anne-de-la-Pocatière 1672-1910, L’ile-aux-oies 1646-1910
In Roy and Barbeau, there is mention of a “trou de fée” in La Tourelle, Gaspésie. The narrow entrance hid a 10 foot deep depression and 15 foot high ceiling. Children would throw rocks into the cave, trying to make a fairy come out or to hit one. When they grew a bit older, they sometimes entered the cave but never for long. When Barbeau and Roy published their works, it seems there was a consensus among the people of the region that fairies did live in this cave. Unfortunately, this “trou de fée” doesn’t exist anymore, it was dynamited when the church of Sainte-Anne-des-Monts was built, like an echo of the age old tradition of building a new cult building on an older one.
Nowadays, there are walking trails to the “trou de fée” in Sainte-Anne-de-la-Pocatière** and some that go through where the one in La Tourelle used to be***.
Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Closer to Montreal, you can see on Mont-Saint-Hilaire’s north-west slope a fairy hollow. It is forbidden to visit it, a useful warning, as it is said that the closer you get to it, the harder it is to find it. A few brave ones did succeed though, as this picture proves https://calypso.bib.umontreal.ca/digital/collection/_archives/id/1093. Today’s technology is also a big help https://youtu.be/iygqOIZdO7w. To see the cave for yourself, you just need to go to the intersection of the “de la Grotte” et “des fées” streets in the city of Mont-Saint-Hilaire where it is clearly visible. Yes, these are the real street names, you just can’t make that up.
If you visit the Saguenay-Lac-Saint-Jean region, there is a whole park dedicated to the “Trou de la Fée”. The legend says that, throughout the Second World War, the fairy who lived there protected the young man who “took to the woods” (aka draft dodgers). It’s now a well established tourist attraction where you can visit easily and safely.****
…
BARBEAU, Marius, George MERCURE, Jules TREMBLAY et J.-E.-A. CLOUTIER. « Anecdotes populaires du Canada », première série, The Journal of the American Folk-Lore, vol. XXXIII, no. 129, (July-Sept 1920), p. 173 – 297.
ROY, Carmen (1962). Littérature orale en Gaspésie. Ottawa, Musée national du Canada, bulletin no. 134, 389 p.
*DIONNE, N-E, (1910). Sainte-Anne-de-la-Pocatière 1672-1910, L’ile-aux-oies 1646-1910. Québec, Laflamme et Proulx, 219 p.
**link in French only https://baliseqc.ca/3S/explorer/bas-saint-laurent/la-montagne-du-college-de-sainte-anne-de-la-pocatiere-LR0566
***link in French only https://baliseqc.ca/3S/explorer/gaspesie/sentier-de-la-fee-LR1067
****http://www.cavernetroudelafee.ca/en/index/
Votre commentaire