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Dans ce billet, nous allons explorer le folklore canadien-français entourant les chats. Comme dans plusieurs endroits dans le monde, ce folklore se centre surtout autour du chat noir qui était présage de mauvaise chance, mais pas seulement.
Commençons notre voyage au Pont-des-Chicanes, en Gaspésie, où l’on retrouve deux histoires différentes se rapportant toutes deux au Sabbat des Chats, aussi appelé Cabat des chats dans les anecdotes de Marius Barbeau. Commençons par un court récit que l’on peut retrouver dans Légendes du Québec, un héritage culturel de Jean-Claude Dupont. On y fait la connaissance de Sasseville, un facteur qui a pris du retard dans sa tournée. Au lieu de se reposer chez le maître de poste comme il aurait dû le faire, il décide de pousser et de continuer à marcher pendant la nuit pour rattraper un peu son retard. Arrivé aux écorchis de la Rivière-à-Pierre, il entend un grand vacarme qui lui fait peur. Il n’a même pas le temps de se signer qu’il semble que les responsables de ce “bardat”* sont arrivés à lui. Il se jette dans la neige et se rend compte avec soulagement que “les hurlements de chats enragés qui accompagnaient ce train** là commencèrent à diminuer à mesure que ces animaux s’éloignaient” (1). Arrivé au village, on lui indiqua qu’il avait été très chanceux, il avait croisé le sabbat des chats, des centaines de chats habitaient dans les alentours du Pont-des-Chicanes et, les soirs de pleines lunes, ils sortaient pour attaquer les passants. Ils seraient sur le pont pour punir les habitants qui n’avaient pas voulu contribuer de bois à la construction dudit pont.
Les mêmes chats se retrouvent sur le même pas dans l’anecdote “Le cabat des chats” (2), mais ceux-ci font face à une plus grande résistance que celle de Sasseville. En effet, un homme revenait de son travail et d’une petite veillée à laquelle il avait participé par la suite. Lorsqu’il arriva au pont, il le trouva couvert de centaines de chats. Cet homme par contre n’avait pas sur son dos un sac de courrier, mais bien une hache. Il avançat à grand pas sur le pont et lorsque les chats commencent à miauler et feuler dans sa direction, il sorti sa hache et frappa au hasard au travers des chats qui lui barraient la route. Il en tua un sur le coup. Tous les autres partent en courant et en criant “Robert est mort!”. Une fois le pont traversé, il s’arrêta à la première maison pour raconter ce qui lui était arrivé. Le chat de la maison, noir évidemment, entendit toute la conversation, s’ébourrifa et sorti par la fenêtre de la maison, mais non pas sans avoir dit au préalable “Si Robert est mort, je m’en vas”. Il n’est jamais revenu. Il est à noter que le conteur de cette anecdote croyait que les chats de ce pont devaient être des “guiâbes”***
Ce n’est pas la seule fois que les chats sont associés à des malices. Dans notre série sur les loups-garous, nous mentionnons que le chat est un des aspects que peut prendre un loup-garou. Une nouvelle anecdote que nous avons trouvé raconte qu’un chat jouait avec la pelotte de laine d’une vieille dame pendant que celle-ci tricotait. Elle pique alors le chat avec son aiguille et à sa place apparaît un jeune homme. (3)
Une histoire l’associe aussi aux lutins. Une femme qui aurait eu des problèmes avec des lutins qui venaient faire courir sa jument et tresser sa crinière. Elle va épier les lutins et ouvre lentement la porte de l’étable. Elle y voit un chat assis sur le dos de sa jument qui s’enfuit aussitôt. Le chat était en fait le lutin déguisé. (4)
Une autre femme est poursuivie par des feux-follets et est persuadée que c’est sont chat noir qui les avaient attirés.(5)
Il y a aussi un lien très clair entre le chat et le Diable, car on croit que celui-ci aurait créé ces derniers. (6) Il serait le compagnon du Diable et le Diable peut parfois se transformer en chat noir (7). Malgré tout, on peut aussi lancer un chat au visage du Yâbe pour s’en débarrasser. Deux hommes auraient fait venir le Yâbe pour régler une chicane de cadastre et lorsque celui-ci n’aurait pas voulu quitter, c’est la méthode qui a réussi (8).
Le chat est aussi très présent dans les présages. Ceux-ci sont parfois contradictoires. Par exemple, l’on dit qu’un chat qui se lave est présage de visite, c’est aussi présage de pluie. Un chat qui mange de l’herbe est présage de mort… ou de mauvais temps. Marcher sur la queue d’un chat peut retarder le mariage de un ou sept ans, ou encore signifier que l’on sera bientôt parrain ou marraine. (9)(10)(11). La seule constante, c’est que de croiser un chat noir portait malheur.
Je crois cependant qu’il est trop facile de cantonner le chat canadien-français dans le rôle de porte-malheur. Il est victime de sa réputation en Europe qui l’a suivi jusqu’ici, mais il peut facilement être perçu autrement. On peut voir dans les divers récits folkloriques qu’il est aussi impliqué dans la rétribution de justice (punir les gens du Pont-des-Chicanes, retourner le Yâbe d’où il vient quand l’entente qu’on a avec lui est rempli) et qu’il est très lié avec le monde invisible et magique.
Pour nous, avoir l’esprit du chat avec nous, et de notre côté, est une grande aide pour passer dans le monde invisible. Le garder auprès de nous est aussi une protection. Il semble connaître tout le monde là-bas.
* et ** : vacarme
***: Diables
In this post, we’re going to explore the French-Canadian folklore surrounding cats. As in many parts of the world, this folklore centres mainly around the black cat, which was a harbinger of bad luck, but that’s not all…
Let’s begin our journey at Pont-des-Chicanes, in Gaspésie, where we find two different stories both relating to the Sabbat des Chats (Cats’ Sabbat), also known as Cabat des chats in Marius Barbeau’s anecdotes. Let’s start with a short story that can be found in Légendes du Québec, un héritage culturel by Jean-Claude Dupont. It introduces us to Sasseville, a postman who has fallen behind on his rounds. Instead of resting at the postmaster’s as he should have done, he decides to push on and keep walking through the night to catch up a little. When he arrived at the Rivière-à-Pierre écorchis, he heard a loud commotion that frightened him. He didn’t even have time to sign his name when it seemed that the people responsible for this « bardat « * had reached him. He threw himself into the snow and was relieved to realise that « the howling of the rabid cats that accompanied that train** began to diminish as the animals moved away » (1). When he arrived in the village, he was told that he had been very lucky: he had come across the Cats’ Sabbat. Hundreds of cats lived in the vicinity of the Pont-des-Chicanes and, on the evenings of full moons, they would come out to attack passers-by. They would be on the bridge to punish the inhabitants who had refused to contribute wood to its construction.
The same cats are found on the same step in the anecdote « Le cabat des chats » (2), but they face greater resistance than the one in Sasseville. A man was returning from work and a little evening outting he had attended afterwards. When he arrived at the bridge, he found it covered in hundreds of cats. This man, however, was not carrying a sack of mail on his back, but an axe. He strode across the bridge and when the cats began to meow and screech in his direction, he took out his axe and struck at random through the cats blocking his path. He killed one instantly. All the others ran off, shouting « Robert is dead! Once across the bridge, he stopped at the first house to tell what had happened to him. The house cat, black of course, heard the whole conversation, ruffled his fur and climbed out of the house window, but not before saying « If Robert’s dead, I’m leaving ». He never returned. It should be noted that the teller of this anecdote believed that the cats on this bridge must have been « guiâbes »***.
This is not the only time cats have been associated with the malices. In our series on loups-garous, we mention that the cat is one of the aspects that a loup-garou can take on. A new anecdote we found tells of a cat playing with an old lady’s ball of yarn while she was knitting. She then pricked the cat with her needle and a young man appeared in its place (3).
One story also associates it with lutins. A woman had problems with lutins who came to run her mare and plait her mane. She went to spy on the lutins and slowly opened the stable door. There she saw a cat sitting on her mare’s back, which immediately ran away. The cat was in fact the lutin in disguise (4).
Another woman is chased by feux-follets and is convinced that it is her black cat that has attracted them(5).
There is also a clear link between the cat and the Devil, who is believed to have created them. (6) The cat is said to be the Devil’s companion, and the Devil can sometimes transform himself into a black cat (7). However, a cat can also be thrown in the Yâbe’s face to get rid of him. Two men are said to have summoned the Yâbe to settle a land registry dispute, and when he refused to leave, this method was successful (8).
The cat is also very present in omens. These are sometimes contradictory. For example, it is said that a cat washing itself is an omen of a visit, but it is also an omen of rain. A cat eating grass is an omen of death… or bad weather. Stepping on a cat’s tail can delay marriage by one or seven years or mean that you will soon be a godparent (9)(10)(11). The only constant is that crossing paths with a black cat was bad luck.
However, I think it’s too easy to confine the French-Canadian cat to the role of a jinx. It is a victim of its reputation in Europe, which has followed it to this point, but it can easily be perceived in other ways. The various folk tales show that he is also involved in the retribution of justice (punishing the people of Pont-des-Chicanes, returning the Yâbe to his source when the agreement you have with him is fulfilled) and that he is closely linked with the invisible and magical world.
For us, having the spirit of the cat with us and on our side is a great help in moving throughout the invisible world. Keeping him with us is also a form of protection. He seems to know everyone there.
* and ** : ruckus
***: Devil
Bibliographie
(1) DUPONT, Jean-Claude. Légendes du Québec, un héritage culturel. (2008). Les Éditions GID, Québec, p.139
(2) BARBEAU, Marius. Anecdotes Populaires du Canada. Première Série. The Journal of American Folklore, Vol. 33, No. 129 (Jul. – Sep., 1920), p. 190
(3) CHAREST, Félix-Antoine (2017). « La représentation du loup-garou dans l’imaginaire québécois » Mémoire. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en études littéraires. p.29
(4) BARBEAU, Marius. Anecdotes Populaires du Canada. Première Série. The Journal of American Folklore, Vol. 33, No. 129 (Jul. – Sep., 1920), p. 183
(5) BARBEAU, Marius. Anecdotes Populaires du Canada. Première Série. The Journal of American Folklore, Vol. 33, No. 129 (Jul. – Sep., 1920), p. 291
(6) DUPONT, Jean-Claude (1974). Le légendaire de la Beauce. Québec, les éditions Garneau, p.126
(7) BUTLER, G. (1995). Histoire et traditions orales des Franco-Acadiens de Terre-Neuve. LEs
éditions du Septentrion. Sillery. P 122.
(8) DUPONT, Jean-Claude (1974). Le légendaire de la Beauce. Québec, les éditions Garneau, p. 88
(9) DESRUISSEAUX, Pierre. (1973). Croyances et pratiques populaires. Montréal, Qc. Éditions du Jour. p.25
(10) DESRUISSEAUX, Pierre. (1982) Le livre des prognostics au Québec – Dictons, croyances et conjurations du temps. Éditions Hurtubise HMH. Montréal. p. 62
(11) Séguin, R.-L. (1971). Le présage dans la littérature orale d’une famille québécoise. Les Cahiers des dix, (36), p. 165
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