Un motif folklorique que l’on peut retrouver partout au Canada français était celui du Diable bâtisseur d’église. Évidemment, le Diable (Yâbe) n’utilisait pas sa forme personnelle pour s’exécuter, mais bien celle d’un cheval, souvent noir, parfois blanc, parfois sans qu’une couleur ne soit nommée. Les étapes de ces histoires sont toujours les même:
1- Un cheval est amené pour aider à la construction d’une église avec l’interdiction de le débrider.
2- Le cheval est d’une force herculéenne, pouvant traîner jusqu’à quatre fois le nombre de pierres que les autres chevaux charroient.
3- Le cheval refuse de boire et une personne prend pitié et débride le cheval pour lui permettre de boire aisément.
4- Le cheval disparaît, parfois en se transformant en anguille, parfois sans laisser de traces.
5- On réalise que c’était le Diable qui était forcé d’aider avec la construction de l’église ou minimalement que ce cheval était une créature du Diable.
Il est à noter que toutes les histoires ont la même structure et pourraient être le copier-coller l’une de l’autre, avec plus ou moins de détails. En voici une très courte provenant du livre Littérature orale en Gaspésie de Carmen Roy (1) où l’on raconte la construction de l’église de Rivière Blanche, aujourd’hui Saint-Ulric: “[…] ce jour-là, un superbe cheval bridé mangeait dans le champ voisin de la construction. Désireux de profiter de cette aide imprévue, les ouvriers demandèrent à M. le curé à qui il appartenait. “Prenez le à votre service”, répondit sèchement le curé “mais ne le débridez pas”. Comme ce cheval semblait d’une force extraordinaire, on l’attela à une charge double du poids habituel. Il la traîna si facilement qu’on doubla à nouveau le poids de la charge. Et la bête travailla ainsi durant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’un des hommes, apitoyé, la débridat pour lui permettre de boire plus à son aise. À ce moment, elle disparut sous la forme d’une anguille dans le ruisseau qui devait étancher sa soif.”
Le cheval noir a une place dans notre spiritualité, même si on l’approche avec prudence.
Lorsque vous avez un grand besoin d’accomplir une tâche et que vous peinez à y arriver, il peut être intéressant d’invoquer l’énergie du cheval noir (on vous déconseille d’invoquer l’entité elle-même, à moins que vous n’ayez une relation dans votre spiritualité qui serait capable de passer le mors au Diable). Sa force est inspirante, il accomplit beaucoup de travail et est d’une grande aide avant de disparaître. Il y a même des histoires où la construction est carrément impossible jusqu’à ce que le cheval apparaisse. C’est une aide qui devrait vous tirer vers l’avant et vous motiver.
Une tâche de longue haleine, une fois terminée, peut laisser un grand vide dans la vie de quelqu’un. On se surprends à chercher quoi faire pour l’accomplir, alors qu’elle est déjà terminée. Visualiser de débrider le cheval noir peut signifier clairement la fin de cette étape et aider à passer à la prochaine tâche.
The Devil, builder of churches
A folk motif found throughout French Canada was that of the church-building Devil. Evidently, the Devil (Yâbe) did not use his usual form, but that of a horse, often black, sometimes white, sometimes with no color named. The sequence of events in these stories is always the same:
1- A horse is brought in to help build a church, with the prohibition against unbridling it.
2- The horse is of Herculean strength, able to drag up to four times the number of stones that the other horses could haul.
3- The horse refuses to drink and someone takes pity and unbridles the horse to allow it to drink easily.
4- The horse disappears, sometimes turning into an eel, sometimes without a trace.
5- It is realized that it was the Devil who was forced to help with the construction of the church, or at least that the horse was a creature of the Devil.
It’s worth noting that all the stories have the same structure and could be copy-pasted from one another, with varying degrees of detail. Here’s a very short one from Carmen Roy’s Littérature orale en Gaspésie (1) about the construction of the church at Rivière Blanche, now Saint-Ulric: « […] that day, a magnificent bridled horse was eating in the field next to the construction site. Eager to take advantage of this unexpected help, the workers asked the parish priest, who owned the horse. « Take him at your service », replied the priest curtly, « but don’t unbridle him ». As the horse seemed to be of extraordinary strength, it was harnessed to a load twice its usual weight. He pulled it along so easily that the load was doubled again. And so the beast worked for several days, until one of the men, feeling sorry for it, unharnessed it to allow it to drink more easily. At that moment, it disappeared in the form of an eel into the stream that was to quench its thirst. »
The black horse has a place in our spirituality, even if we approach it with caution. When you have a great need to accomplish a task and are struggling to do so, it can be interesting to invoke the energy of the black horse (we advise against invoking the entity itself, unless you have a relationship in your spirituality that would be capable of passing the bit to the Devil). Its strength is inspiring, it does a lot of work and is a great help before it disappears. There are even stories where construction is downright impossible until the horse appears. It’s a help that should pull you forward and motivate you.
A long-term task, once completed, can leave a big hole in someone’s life. You find yourself trying to figure out what to do about it, even though it’s already over. Visualizing the unleashing of the black horse can clearly signify the end of this stage and help you move on to the next task.
Sources
BUTLER, G. (1995) Histoire et traditions orales des Franco-Acadiens de Terre-Neuve. Les éditions du Septentrion. Sillery. 263 p.
DORAIS, Louis-Jacques. “La Vie Traditionnelle Sur La Côte De Beaupré, Au Début Du XX Siècle.” Revue d’histoire de l’Amérique française 19, no. 4 (March 1966)
DUPONT, Jean-Claude (1974). Le légendaire de la Beauce. Québec, les éditions Garneau. 149 p.
GUILBAUT, Nicole (2009). Le bestiaire des légendes du Québec. Éditions Les heures bleues. Montréal. 79 p.
LAMBERT, Pierre. (2008). Contes et récits de la Montérégie. Éditions Trois-Pistoles, Notre-Dame-des-Neiges.
ROY, Carmen (1962). Littérature orale en Gaspésie. Ottawa, Musée national du Canada, bulletin no. 134, 389 p.
Soeur Marie-Ursule.(1951). Civilisation traditionnelle des Lavalois. Les presses universitaires Laval, Québec. 403 p.
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